Rallye de L’Ain 2018 : Une 80ème édition historique !


Texte : Pierre et Thérèse Derrien avec l’aide précieuse pour les photos et documents d’Hervé Morard et de Jean-Jacques Guillemoz


Rallye de l’Ain : une 80ème édition historique, 1ère partie.















Une grande page du rallye routier va se tourner à Cerdon le 16 juin 2018 où l’Union Motocycliste de l’Ain fêtera la 80ème édition de son épreuve fétiche : le célèbre Rallye de l’Ain.  Avant de voir ce qui nous y attend de plus près, c’est pour nous l’occasion de revisiter ce que fut cette épreuve, à l’affiche depuis 1913, mais c’est aussi l’occasion de voir ce que fut le rallye routier au fil des temps…

                                                                                    

                                                                              15 Juin1913 : Naissance du Circuit de l’Ain.













En France depuis le début du 20ème siècle se courent de nombreuses courses automobiles mais la moto n’est pas en reste. C’est ainsi qu’à l’image d’un certain Tourist-Trophy qui se déroule depuis quelques années déjà sur l’ile de Man, le Moto Club de l’Ain et le Vélo Club de Bourg s’associent cette année-là pour organiser le 15 juin 1913 le Circuit de l’Ain qui se court à moto sur un circuit constitué de routes en terre.

Ain, première !

Il est 5 heures du matin lorsqu’une vingtaine de concurrents (dont 7 side-cars) s’élancent de Bourg-en-Bresse à raison de trois motos par minute, les petites machines partant les premières. Au menu : une boucle fléchée de 76 kilomètres à parcourir trois fois pour les motos et deux fois pour les side-cars. Sur le parcours routier des contrôles sont installés au Pont de Serrières sur Ain après 22 Km, puis à Nurieux (32 Km), Thoirette (46 Km), puis enfin à Bourg en Bresse (76 Km). Les journaux de l’époque insistent sur la difficulté du parcours avec notamment la montée du col de Berthiant (7 km à 14 %). Les motos sont réparties en trois catégories en fonction de leurs cylindrées : 250, 350 et 500 pour les solos, 500, 750 et plus de 750 pour les side-cars. La liste des machines engagées nous rappelle qu’au début du 20ème siècle de nombreux constructeurs pour la plupart français se disputent un marché très dynamique : Peugeot, Terrot, Superior, Automoto, Magnat Debon, Gladiator, Debeaune, Groseiller, Motosacoche, Motorêve…  D’ailleurs, le journal Le Carillon souligne l’importance de l’épreuve pour la renommée des constructeurs : « Les machines qui termineront le parcours devront retenir l’attention de tout motocycliste soucieux d’avoir une monture de premier ordre », peut-on lire dans un article du 14 juin annonçant l’épreuve.
















Finalement, l’épreuve est remportée par Pélissier sur Motosacohe 500. Il a parcouru les 228 km du parcours en 4h16 minutes, soit une moyenne de 53 km/h, c’est-à-dire à peine moins que celle qui est demandée aux concurrents en 2018 sur le parcours routier !

Résultats du 1er Circuit de l’Ain :

Première classe Vitesse (solo) :

1ère catégorie (250 cc) :

1er : Bange sur Terrot 246 cc en 4h53.















2ème catégorie (350 cc) :

1er : Franckbalme sur Terrot 349 cc en 4h24.

3ème catégorie (500 cc) :

1er : Pelissier sur Motosacoche 495 cc en 4h16.

Deuxième classe Side-Car :

1ère catégorie (500 cc) :

1er : Buthaud sur Gladiator 494 cc en 5h10.

2ème catégorie (750 cc) :

1er : Groseiller sur Calthorpe 750 cc en 4h35.

3ème catégorie (+ de 750 cc):

1er : Pelud sur NSU 830 cc en 4h22.


Rallye de l’Ain : une 80ème édition historique (2ème partie)

















                                                                                       Roger Varrot sur 750 Gnome Rhone


Nous vous proposons cette semaine de continuer notre « coup d’œil dans le rétro » : cet historique du rallye de l’Ain sera aussi l’occasion de faire le point sur l’évolution de la discipline des rallyes routiers au fil du temps.

1914, deux mois avant le conflit mondial :

Après le succès du premier circuit de l’Ain en 1913 (relaté ici), la deuxième édition organisée par le Moto-Vélo club de l’Ain a lieu le 14 juin 1914. 12 motos se présentent au départ à 5 h 07 pour la même boucle que l’année précédente, soit 76 km à parcourir deux fois. Le parcours pour les sidecars, légèrement modifié, ne compte que 96 kilomètres. Les marques de motos engagées nous plongent à nouveau dans la nostalgie des petits constructeurs d’antan : Benoît-Gonin, Griffon, Derouzière, Condor, Clément… mais c’est, comme l’année précédente, une Motosacoche qui l’emporte. Brandt a mis 2h 43’ et 48’’ pour boucler le parcours, soit une moyenne de 55km/h. A la suite des motos, des cyclistes s’élancent sur le même difficile parcours pour un contre la montre de 76 km.

Une évolution constante entrecoupée d’interruptions














                                                                                       Reconnaissance Rallye de l’Ain 1936


La petite histoire du rallye est ensuite rattrapée par la grande Histoire : de 1915 à 1920, pas de circuit de l’Ain pour cause de conflit mondial.

Le rallye renaît donc en 1921. Dès 1924, la distance parcourue passe à 400 km, soit 4 tours de 100 km.

Grande nouveauté en 1925, les côtes de Berthiand et de Serrières-sur-Ain deviennent des épreuves spéciales, même si on ne les appelle pas encore ainsi.

En 1927, la neuvième édition est organisée par l’Union Motocycliste de l’Ain qui, forte de ses 100 membres,  vient de se détacher du Moto Vélo Club de l’Ain.

Pour la première fois en 1929, le Circuit de l’Ain compte pour la Coupe de France de Tourisme (l’ancêtre du Championnat de France des Rallyes) avec le Tour de France et Paris-les Pyrénées-Paris.















                                                                                          Baillet Side 500 Matchless

 

Autre fait marquant en 1938 : Mlle Rivals, qui pilote une 500 cc, est la première concurrente à se présenter au départ.

La seconde guerre mondiale provoque une autre longue interruption : de 1940 à 1950, aucun rallye de l’Ain n’est organisé.

Le classement scratch apparaît (au moins dans la presse) en 1972 avec la victoire d’un certain… Jean-Jacques Guillemoz sur une 125 cc Gauthier.

Le parcours le plus long semble avoir été proposé en 1983 avec… 720 kilomètres. Départ à 20h00 le samedi et arrivée le lendemain à 12 h !
















Quelques autres éditions mémorables :

La météo n’a pas toujours été favorable : après plusieurs éditions disputées dans des conditions hivernales – par exemple 1975 – le rallye 1985, qui avait lieu le 17 mars, sera marqué par d’importantes chutes de neige notamment entre Hauteville et Maillat (Col de la Rochette à 1 112 m d’altitude). Le premier concurrent (Jean-Yves Rivollet du M.C Vercors sur Honda XL 125) arrive à l’issue de la première boucle avec deux heures de retard sur l’horaire. Il aura mis plus de sept heures pour parcourir 256 km ! La seconde boucle de 256 km sera annulée. Bilan : 35 partants et seulement 13 classés. (Si le règlement avait été appliqué à la lettre, personne n’aurait été classé !)














                                                                                                

                                                                                                      Francis Bourg


En 1993, fait rarissime en rallye, un side-car s’impose au scratch : le Choda 1100 GSXR de Jean Michel Meuret  et Eric Simonin.

En 2000, encore un grand millésime. La nuit, le rallye sera plongé dans le brouillard. On aménage les temps dans les secteurs concernés, afin de minimiser les risques… Grincements de dents de certains, mais ici dans l’Ain, on ne capitule pas, on va jusqu’au bout : 22 pilotes à l’arrivée et un grand vainqueur pour sa dernière victoire, après son titre 1999, et son grave accident 3 semaines plus tard au Beaujolais : Hervé Joseph qui pointe à « zéro » partout sur sa BMW 1100 GS.














                                                                                                      Gerardin 1979


En 2006, la 70ème édition sera particulièrement arrosée. Une pluie battante va accompagner les concurrents du départ à l’arrivée et c’est Alain Amblard, au guidon de sa KTM 660 SMC, qui s’imposera.

Julien Toniutti et son complice Nicolas Pautet, respectivement premier et second du rallye 2013, provoquent l’hilarité générale en montant sur le podium scratch affublés de palmes, d’un tuba et d’un masque de plongée, clin d’œil à la météo encore particulièrement humide cette année-là, mais qui a souri à leurs monocyclindres.

En 2015, alors qu’une chaleur lourde régnait depuis le départ, un terrible orage s’abat sur les concurrents qui sont partis pour la dernière boucle de nuit. Les routes sont jonchées de branches cassées par les violentes rafales de vent, la visibilité est quasi nulle sous les trombes d’eau. L’épreuve encore une fois remportée par Julien Toniutti (Yamaha MT09) devra être raccourcie pour mettre pilotes et bénévoles en sécurité.

Un patriarche toujours vert

Grande nouveauté en 2014 où l’Ain propose un schéma d’épreuve inédit avec un programme résolument sportif comptant pas moins de 14 spéciales. L’année suivante, des boucles de parcours routiers différents seront proposées afin d’équilibrer un peu les chances entre les amateurs de vitesse et de navigation.

Ces innovations plaisent de toute évidence aux pilotes et pour son quatre-vingtième printemps, le doyen des rallyes affiche une santé insolente : 16O concurrents auront le privilège de prendre le départ le 16 juin 2018 de la plus ancienne épreuve motocycliste encore inscrite au calendrier.

Longue vie donc au Rallye de l’Ain !


Rallye de l’Ain : une 80ème édition historique (3ème partie)!


Pour clore cette série d’articles rappelant les grandes heures du Rallye de l’Ain, nous avons choisi à travers les documents et photos que Jean-Jacques Guillemoz a mis à notre disposition pour l’occasion, cette belle évocation de Roudy Grob, pilote du Norton Sport Club de Genève, relatant l’édition 1957, et parut en 1999 dans son livre « Norton Sport Club, un demi-siècle d’histoire ». Merci à eux !
















Roudy Grob spéciale de Journans sur sa Norton 500 Inter

« Vingt et un avril. Cinq heures du matin. Il fait encore nuit. La pluie, prête à tourner en neige, n’arrête pas de tomber. Il y a une heure que les 250 sont parties et dans moins de dix minutes, ce sera le tour des gros cubes de s’enfoncer dans ce qui reste d’obscurité avant le lever du jour sur les routes qui sillonnent le département de l’Ain. L’itinéraire est connu. Il s’agit de rallier en moins de 36 minutes le départ de la première spéciale à Bolozon. Trente-six minutes car il y a 36 kilomètres. De minute en minute, les concurrents engoncés dans leurs barbours censés les protéger du froid et de la pluie, traversent les rues encore endormies de la ville pour se trouver très vite dans le noir des campagnes.

C’est en effet à soixante kilomètres / heure de moyenne que les 420 kilomètres du parcours, jalonné de contrôles devront être parcourus. Pas de quoi impressionner le profane : tenir une telle moyenne, estime t’il ne représente certainement aucune difficulté, même pour un débutant. Cependant, un peu présomptueux, il risque de déchanter assez vite : les routes sont sinueuses, traitresses souvent. Gare au gravier fraîchement posé ou rescapé de la fonte des neiges ! Gare aux bouses de vaches laissées par le dernier passage des troupeaux ! Les phares n’éclairent pas très loin et lorsque le brouillard s’en mêle ou qu’une mince pellicule de neige rend les bordures floues, c’est un véritable exploit que d’arriver à temps aux contrôles. Le parcours, évidement, n’est pas fléché et le temps consacré à lire la carte se doit d’être compensé.

Soixante à l’heure ! Sept heures de course qui ne laissent quasiment aucun répit, si ce n’est une neutralisation à mi-parcours. Heureusement, l’avance n’est pas pénalisée, ce qui permet sur certain tronçon de se ménager une marge, histoire de faire le plein ou de défaire, les doigts gourds, une braguette systématiquement récalcitrante. En revanche, tout retard par rapport à l’horaire idéal est sanctionné de 60 points par minute de retard. Pour compliquer encore la tâche, plusieurs épreuves spéciales sont prévues. Celle de Bolozon se dispute au lever du jour. La route est en terre, couverte de cailloux. Les ornières, profondes, ont vite fait de vous envoyer dans les buissons de buis. Tenir la moyenne relève de la mission impossible et c’est celui qui encourra le moins de pénalités au terme de ce qui ressemble à s’y méprendre à une véritable course de vitesse. » 

Roudy évoque aussi ce qui était à l’époque les « grandes classiques » des rallyes motos français, pour la plupart aujourd’hui disparues :

«Certains parmi ceux du Norton développeront une véritable passion pour les rallyes qui se disputent dans la région, le challenge Bré à Lyon, le circuit du Beaujolais, le circuit de l’Ain, plus long et plus difficile que le « petit » circuit de Printemps (l’U.M. Ain organisait à l’époque 2 rallyes). Quelques-uns poussent jusqu’au rallye des Pyrénées et, pour couronner le tout, certains réalisent le rêve de faire le Cannes-Genève-Cannes, considéré comme l’épreuve reine des rallyes ».

Merci Monsieur Grob d’avoir écrit ces pages à propos des rallyes, elles restent un beau témoignage sur le rallye de l’Ain et  sur notre discipline, et nous espérons que vous serez parmi nous les 16 et 17 juin pour célébrer cette 80ème édition.